Quel est ton nom et/ou nom d’artiste ou les deux?
Alexis Bulik
Ton job ?
Masseur à domicile, entrepreneur.
Depuis quel âge pratiques-tu la danse ?
Mon amour pour le mouvement n’est pas venu tout d’un coup, et j’ai mis encore plus de temps pour m’en rendre compte. Cependant, aussi loin que je puisse me rappeler, pour désigner ma toute première expérience qui s’apparente à la danse, c’est le skateboard en 1998. J’y ai découvert le goût pour les sensations de pesanteur, de glisse et d’adresse.
Quelles danses pratiques-tu actuellement ?
La danse Tribal Fusion. Je fais aussi de la danse avec des balles de contact. Les objets me paraissent très formateurs, ils m’apprennent à conserver la continuité du mouvement avec les imprévus. Varier sur la forme, le poids et la symbolique de ces objets me permet de découvrir de nouvelles sensations.
Tu as pratiqué d’autres danses avant ?
Entre 2001 et 2003 j’ai fais du hip hop. J’aimais particulièrement les vagues, avec les bras, le corps, au sol ; mais aussi les freeze comme le baby freeze. Je me souviens cependant avoir eu des difficultés à bouger en rythme, je ne ressentais pas la musique.
Comment es-tu arrivé.e à la danse tribale ?
Outre le fait que je cherchais une nouvelle activité physique, j’ai été séduis par cette danse en particulier pour deux critères :
J’y perçois le potentiel de donner vie à des univers culturels que j’aime. Lorsque j’ai fais mon tout premier stage de danse tribale, je venais alors − pour enrichir une collection d’œuvres oniriques qui me touchent − tout juste de finir la lecture des contes des mille et une nuits. La première raison c’est les univers visuels et musicaux véhiculés par cette danse, c’est pour cette raison que j’ai voulu m’y essayer.
Les personnes que j’y ai alors rencontré sont vraiment agréables, et ça m’a touché, elles me donnent envie de les revoir. La deuxième raison c’est donc la bonne humeur présente, et c’est pour cette raison que je souhaite continuer.
Tu pratiques quels styles ?
Tribal Fusion.
Si tu devais te donner une spécialité par rapport à cette pratique ?
Je diviserais ma réponse en trois parties pour vous parler de ma zone de difficulté, de ma zone d’apprentissage, puis de ma zone de confort.
Difficulté : la culture. Je ne connais presque rien de la danse, j’apprends tout un vocabulaire gestuel et parlé qui m’était inconnu il y a peu. Même si la danse Tribal Fusion semble très permissive à l’intégration de mouvements étrangers de l’ATS®, je n’en ai jamais fais, ni de danse orientale. Mais une chose à la fois, peut-être y viendrais-je bientôt.
Apprentissage : Les superpositions, car elles me permettent d’assimiler pleinement tous les gestes que j’apprends. La chorégraphie, car elle me permet d’exprimer ma créativité et de trouver mon propre style.
Confort : Du fait de mon passé lié à la compréhension de l’énergie : du yoga depuis 2000, en passant par le reiki depuis 2003, puis l’aïkido de 2004 à 2009, et plus récemment le massage, je pense que ce qui fait ma spécialité c’est l’intention. Quand une chose simple paraît difficile et qu’une chose difficile paraît simple, c’est cette intention invisible mais perceptible qui s’exprime.
La forme ( le visible / la technique ) est sans importance, seul le fond ( l’invisible / l’intuitif ) a de l’importance, or toute les formes mènent à révéler ce fond commun. C’est quand on a assimilé le fond, que l’on peut s’éloigner de la forme et embrasser toutes les autres.
Tu fais partie de quelle tribu ?
La jeune tribu AtlanSix créée fin 2018. On a un site internet qu’il faudrait mettre à jour : www.atlansix.com/. On devrait prochainement partager des photos et un extrait vidéo des représentations de notre première création intitulée ‘’Expérience 1 : le reflet’’ inspirée du roman Frankenstein; or, the Modern Prometeus de Mary Shelley. Une nouvelle chorégraphie est en train de germer, donc ça promet pour la suite.
Quelles sont tes autres passions ?
Les sujets qui me plaisent sont nombreux et je suis attiré par ceux qui me sont encore mystérieux. C’est comme ça que j’ai été mené à danser, c’est aussi comme ça que j’ai été mené à à construire un robot, à apprendre des poésies, à faire du tir à l’arc, à pratiquer le kinbaku, à faire du fromage, à faire de la sculpture sur bois, des dessins à l’ancre de chine, de l’escalade, de la flûte Irlandaise, à planter des arbres, à faire de la pole dance, à concevoir et créer un jeu, à participer à une reconstitution médiévale.
Je retiens une leçon dans chacune de ces activités, et toutes m’ont donnés des clés pour appréhender les nouvelles. J’ai régulièrement besoin de nouveautés, prochainement j’aimerais essayer le trek. J’ai horreur des mots passion et hobby, ils me suscitent l’interdiction de sortir des limites d’un domaine ; or, c’est précisément ce que je cherche car j’aime à croire que tout est lié.
Où peut-on voir ton/votre travail ?
Sur scène ! Je fais parfois des scènes ouvertes. Je n’ai à l’heure actuelle (octobre 2019) que très peu de contenu numérique à montrer car je ne danse que depuis peu de temps. Cependant, puisque j’ai participé en août 2019 à un challenge de danse, j’ai fais dix courtes vidéos où l’on peut me voir danser. www.instagram.com/alexisbulik/
Un mot de la fin ?
Elle n’est pas de moi, mais j’ai à vous offrir cette belle anecdote. Lue pour la première fois en 2013, elle m’a percutée significativement, j’affirmerais sans hésiter qu’elle va en toucher beaucoup ici. Un pur délice, lisez donc :
Quand j’avais à peu près 14 ans, et que mon répertoire était encore limité à deux trucs, j’ai participé à mon premier festival de jonglerie. Si vous n’en avez jamais vu, ce genre de festival est assez remarquable : des jongleurs de tous niveaux remplissent un gymnase, parlant, expérimentant, et échangeant de nouvelles techniques. C’est un endroit où vous pouvez essayer l’impossible et faire tomber vos balles sans peur du ridicule. Mais pour ma première fois, ce n’est pas vraiment comme ça que je le ressentais. J’étais incroyablement nerveux − après tout, je n’étais pas un ‘’vrai’’ jongleur. J’ai passé la majeure partie de mon temps là-bas à marcher parmi les participants, les yeux grands ouverts, les mains dans les poches, terrifié à l’idée que quelqu’un puisse pointer le doigt vers moi en criant aux autres : ‘’ Hé ! Mais qu’est-ce qu’il fait ici celui-là ?’’ Mais bien sûr, cela n’arriva pas. Tous les participants au festival avaient appris tout comme moi par eux-mêmes. Au fil de la journée, me sentant plus à l’aise, j’ai fini par sortir mes balles et me suis mis à pratiquer dans mon coin. J’ai regardé les autres faire leurs figures, et j’ai essayé de les imiter − et j’y arrivais parfois. Je regardais autour de moi pour trouver de nouvelles techniques à essayer, mais un jongleur en particulier sortait du lot. C’était un vieux monsieur dans une combinaison bleue, et ses figures ne ressemblaient à aucune autre. Il utilisait des schémas et des rythmes qui étaient uniques, et ses figures, bien que n’étant pas d’une difficulté insurmontable, étaient tout simplement belles à regarder. Il m’a fallu beaucoup de temps pour me rendre compte qu’un certain nombre de ses figures, qui avaient l’air si particulières lorsqu’il les réalisait, étaient en fait à ma portée. Seulement, quand il jonglait, elles avaient un style réellement différent, donnant la sensation qu’il s’agissait de techniques complètement nouvelles et différentes. Je passai ainsi presque vingt minutes à l’observer, quand soudain il me regarda et dit : ‘’Alors ?
− Alors quoi ?, répondis-je un peu embarrassé.
− Ne vas-tu pas essayer de me copier ?
− Je… je ne pense pas que je saura comment faire’’, bégayai-je.
Il rit : ‘’Oui, ils n’y arrivent jamais. Tu sais pourquoi mes figures ont l’air tellement différentes ?
− Euh, la pratique ?, essayai-je.
− Non, tout le monde pratique. Regarde autour de toi ! Ils sont sous en train de s’entraîner. Non, mes figures ont l’air différentes parce qu’elles me viennent d’ailleurs. Les autres trouvent leurs techniques en se les passant les uns aux autres. Ce qui n’est pas mal − on peut apprendre beaucoup comme cela. Mais ça ne te fera jamais sortir du lot.
− Alors où les trouvez-vous ? Dans les livres ?, demandai-je après réflexion.
− Ah ! Les livres. Elle est bien bonne celle-là. Non, pas les livres. Tu veux connaître le secret ?
− Bien sûr.
− Le secret est : ne regarde pas les autres jongleurs pour trouver ton inspiration, regarde partout ailleurs.’’
Il commença alors à exécuter une magnifique figure en boucle, dans laquelle ses bras montaient en spirale, tout en faisant des pirouettes de temps à autre : ‘’J’ai imaginé celle-ci en regardant un ballet à New York. Et celle-là… (Il fit alors un mouvement dans lequel ses balles semblaient sauter en haut et en bas alors que ses mains faisaient comme des battements d’ailes délicats en avant et en arrière.), je l’ai imaginée en regardant une volée d’oies prendre son envol depuis un lac, dans le Maine. Et ça… (Il fit un mouvement mécanique dans lequel les balles semblaient bouger à angle droit.), c’est en regardant marcher une perforatrice à Long Island.’’
Il rit un peu, et s’arrêta de jongler quelques minutes : ‘’Les gens essaient de copier ces mouvements, mais ils ne le peuvent pas. Mais ils essaient toujours… ouais, regarde ce gars, là-bas !’’ Et il pointa son doigt vers un jongleur avec une queue de cheval, de l’autre côté du gymnase, qui était en train de faire le mouvement du ‘’ballet’’. Mais il avait l’air juste ridicule. Quelque chose manquait, mais il était difficile de dire quoi.
‘’Tu vois, tous ces gars peuvent copier mes mouvements, mais ils ne peuvent pas copier mon inspiration.’’ Et il recommença à jongler en faisant un mouvement qui me fit penser à une double hélice en spirale. Juste à ce moment-là, un organisateur annonça un atelier pour débutants ; je le remerciai, puis partis. Je ne l’ai jamais revu, mais je ne l’oublierai jamais. J’aurais aimé connaître son nom, parce que son conseil changea mon approche de la créativité pour toujours.
Jesse Schell, dans l’art du game design, Objectif#11 : L’inspiration infinie